Il y a quelques années, j'ai eu l'occasion de mettre en scène une pièce de Jean-Paul Alègre : "On a volé la lune". Une fable grinçante. L'auteur tirait à bout portant sur les politiques,
syndicalistes et autres révolutionnaires. Seul le poète trouvait grâce à ses yeux.
Au fin fond de la campagne fernelmontoise, avec un petit groupe d'amateurs avertis, nous étions sortis des sentiers battus, en proposant une version assez loufoque et décalée. Petit clin d'oeil à Michelle et Malika, qui font partie aujourd'hui du Théâtre d'Appoint.
C'est donc tout naturellement que je me suis replongé dans l'univers de cet auteur pour travailler avec le Jeune Théâtre d'Appoint. Je me suis arrêté sur sa dernière pièce : "Le Tourbillon de la Grande Soif".
La pêcherie de l'armateur Gor Boucar est au bord de la faillite. Même en allant jusqu'au grand tourbillon du milieu du lac, connu pour être un vivier exceptionnel, les prises diminuent. Les eaux autrefois si poissonneuses et bienfaisantes seraient porteuses, selon Viv, la jeune fille tout juste embauchée dans l'équipage, d'une menace indéfinissable qu'elle seule semble entendre. Bientôt, alors que de l'autre côté du lac, une centaine de capteurs destinés à exploiter l'énergie libérée par le tourbillon se construit, les poissons désertent les eaux pour ne plus jamais revenir...
Il s'agit d'une fable dystopique, c'est-à-dire une oeuvre d'anticipation sociale décrivant un avenir sombre. En effet, sur quatre générations, Jean-Paul Alègre dresse un constat implacable et engagé : l'humanité vit désormais à crédit sur cette planète qu'elle épuise.
C'est le récit d'une catastrophe annoncée qui met en évidence le rôle prépondérant de l'homme dans la dégradation d'un environnement auquel son destin est intimement lié.
Or, quand on observe aujourd'hui le mouvement des étudiants, leur mobilisation et leurs revendications pour une politique climatique socialement juste et ambitieuse de la part des décideurs, la pièce fait étrangement écho.
Dès lors, que ce propos soit défendu par des jeunes qui seront les adultes de demain me semblait riche et prenait tout son sens.
Mais rassurez-vous : parler d'un sujet grave et préoccupant n'exclut aucunement une touche de légèreté et un soupçon d'humour !
Hugues DOMET